J’ai voulu intituler cet article : « les talons de Sarkozy » !
Mon propos de ce jour est de critiquer cette notion si profondément ancrée dans la nature humaine, de compétition, de rivalité. Je ne suis pas le premier à réfléchir à cette attitude, on en trouve, je crois, la critique dans les principes des écoles Montessori.
Personne ne conteste l’idée reçue qu’il faut toujours être le meilleur de sa classe, d’avoir les meilleures notes. Et cela concerne autant l’aspect physique et les performances.
Je propose que cette notion de rivalité, que l’on s’acharne, comme tout parent normalement constitué, à inculquer à nos têtes blondes, est source de l’agressivité humaine, voire des guerres. Et c’est une notion particulièrement perverse car on sait que, si on y renonçait, on mettrait d’emblée notre enfant en difficulté dans la société.
Enfin c’est un cercle vicieux, car l’enfant ainsi conditionné deviendra plus tard un parent qui fera tout pour formater, à l’identique, son petit.
La difficulté à envisager une attitude de non-rivalité est qu’elle ne tient pas compte de l’agressivité naturelle native chez homo sapiens dès l’enfance : « moi d’abord » « preum » « j’étais là avant toi », ni aussi de la notion d’envie, de jalousie, d’emprise. C’est bien ce qui rend l’éducation d’un enfant si difficile et, par conséquence, de son instruction.
Et l’autre objection qui surgit et qui interroge, est que cette recherche de dépasser, de vaincre son prochain serait le moteur principal du progrès. Et voilà que surgit une autre question philosophique centrale : « Qu’est-ce que le progrès ? Existe-t-il vraiment, autre que technologique ? Scientifique ? » La réponse n’est pas simple et, pour ma part, je considère que le progrès moral n’existe pas. Je ne vois pas en quoi les hommes qui affament et massacrent 30000 hommes femmes et enfants sur leur terre de Palestine, ont progressé et seraient moralement supérieurs aux chasseurs-cueilleurs qui ont inventé l’agriculture - d’ailleurs dans la même région !
Bien entendu, ma proposition d’essayer d’enseigner à des enfants que l’on peut grandir –dans tous les sens- en essayant d’être meilleur …que soi-même, de s’imposer à soi des défis, en ne tirant aucune gloire d’être le premier, relève sans doute de l’utopie, même si je crois savoir que, dans l’éducation nationale, existaient des consignes visant à interdire les classements ( ?). Même si tout le monde m’accordera que cette course à l’échalote produit une somme astronomique de stress. Quel enfant n’a jamais rêvé de faire sauter un cours, de faire –expression magnifique !- école buissonnière ? Qui d’entre nous n’a jamais été terrifié à la perspective d’une interro-écrite surprise ou à devoir annoncer un zéro à la maison ?
Pour être clair, je pense qu’il faut réfléchir aux notions d’excellence, de performance, de classement mais aussi de progrès, en pesant leur utilité autant que leur nocivité.
Il y a une cinquantaine d’années, un soir d’août, sur la côte crétoise de la mer de Libye, devant une pauvre chambre éclairée à la lueur d’une lampe à acétylène, j’ai discuté de Victor Hugo avec un pêcheur qui avait perdu une main en pêchant à la dynamite. Cet homme, l’humilité même, m’a autant marqué que mon inoubliable professeur d’Humanités de seconde, M. Rivet.
Humilité, modestie : qui les enseigne aujourd’hui, qui discute de ces deux notions aujourd’hui, dans ce monde qui laisse autant d’espace et de valeur à l’IA ou à la « réalité augmentée ».
Ô tempora, ô mores !...