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Je souhaite ici partager une émotion doublée d’une inquiétude. Je viens de commencer un livre et j’y découvre des faits effrayants. Ce livre –Dutroux, l’enquête assassinée- vient d’être publiée par Investg’Action, il est le récit des à-côtés oubliés de l’affaire Dutroux que tout le monde croit connaître et qui a bouleversé la Belgique et le monde. Il vient d’être écrit par un ex- gendarme belge, Aimé Bille, qui y décrit avec force détails l’enquête dont il a eu la charge avant d’en être dessaisi de façon humiliante avant qu’il soit blanchi. Il ressort de son récit, détaillé et sourcé, que les magistrats et les supérieurs en responsabilité l’ont chargé pour protéger des personnalités que la prolongation de l’enquête allait mettre en cause. D’autres témoignages aujourd’hui viennent conforter l’idée que Dutroux était non seulement un criminel sexuel violent mais surtout l’instrument favori de réseaux pédocriminels, ayant pour finalité de fournir de très jeunes victimes à des « clients » haut placés. Et c’est cette fonction de « fournisseur » qui a été étouffée et qui ressort. L’idée a été longue à faire son chemin, autant à cause d’une certaine incrédulité devant l’horreur et parce que des pressions ont été exercées sur des témoins importants. Les journalistes ont été longs à prendre la mesure de la monstruosité des faits. Dès avant l’affaire Dutroux, plusieurs affaires de pédocriminalité ont été jugées, impliquant prostitution d’enfants par des tiers ou par leur propre famille, organisation de soirées où des enfants sont violés par les adultes présents où s’ajoutent parfois des tournages et vente de vidéos de scènes de sadisme allant jusqu’à des meurtres.

Mais le plus surprenant est que les personnages condamnés l’ont été à des peines incroyablement légères. On lit, dans un article couvrant l’affaire Huybrechts : « Neuf clients [d’un réseau de prostitution d’enfants] ont été condamnés à des peines variant entre six mois à un an ferme et un à deux ans de prison avec sursis. Ces peines assez faibles sont essentiellement dues à la complaisance dont ont fait preuve les jeunes victimes. Celles-ci ont délibérément prêté leur collaboration au réseau.

Selon le tribunal, les enfants se sont laissé enrôler sans résistance et gagnaient d’importantes sommes d’argent en se prostituant. Ils déterminaient eux-mêmes ce que leurs clients devaient payer et fixaient eux-mêmes les limites de leurs relations La plupart des parents n’ont en outre rien fait pour éviter cela. Au vu de ces éléments, le tribunal n’a accordé aux enfants qu’un franc symbolique à titre de dommages et intérêts » Le Soir, 3déc. 1999.

On a du mal à croire que des juges et des journalistes aient pu penser de telles choses ; certes c’était il y a 24 ans et les mœurs ont, peut-être, pu évoluer. Mais je crains, au vu de l’affaire Springora-Matzneff, que les choses en restent à l’état de total secret, de total étouffement.

Gabriel Matzneff publie le 15 février 2021 un livre intitulé Vanessavirus, en réponse au Consentement. Toutes les maisons d'édition ayant refusé le livre, l’écrivain se finance par un système de souscription afin de s'autoéditer. Dans ce livre de 85 pages, selon une source anonyme, il rend hommage à cinq personnalités pour leur soutien depuis les révélations de Vanessa Springora : Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Catherine Millet, Dominique Fernandez, Franz-Olivier Giesbert100. Le livre commence par cette phrase : « J’ai survécu au Coronavirus. Je ne survivrai pas au Vanessavirus. ».

Comme psy, je suis confronté au quotidien à la souffrance des femmes qui ont été soit abusées, soit –pire !- abusées ET incestées dans leur petite enfance et je me heurte à la difficulté de les aider, non à en guérir car on n’en guérit pas, mais à les aider à vivre avec, à essayer de mettre du sens dans ce qui est insensé. Mais le constat est là, brutal : des adultes , souvent parents eux-mêmes, sont capables d’exercer une violence physique, psychologique et sexuelle allant parfois jusqu’au meurtre (si vous l’ignorez, cherchez sur le net ce que c’est qu’un snuff movie) sur des enfants et souvent les leurs. Ces enfants sont dévastés, considérés comme de la viande, vendus par des réseaux comme des produits. Le livre de ce gendarme a le mérite de dérouler devant notre incrédulité ce que la justice se refuse à faire puisqu’à tous les niveaux des protections jouent ; magistrats, policiers, ministres, hauts fonctionnaires, compromis, se défendent les uns les autres. Toutes les pistes ouvertes par ces gendarmes consciencieux et honnêtes restent lettre morte et les parents d’enfants violés et tués subissent une double peine : la douleur terrible et l’horrible sentiment d’injustice.

L’homme est un loup pour l’homme ? Non, le loup n’est pas agi par ces pulsions perverses, sadiques et meurtrières. Avec me too, les femmes ont compris l’intérêt de se battre collectivement. Mais ces enfants, qui peut les défendre et hurler leur souffrance ?

Nos médias sont tellement pourris qu’on ne peut espérer que les criminels soient dénoncés; et ensuite ? La justice a des clémences complices. Alors que pour ces crapules, ont devrait rouvrir les bagnes.

*phrase prononcée en 1993 par Dutroux

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