C'eravamo tanto amati !*

Vous connaissez un moyen radical pour vous foutre un cafard bien noir ? Je vais vous donner la recette ; il vous suffit de vous abonner à Madelen INA ! Pour 3 sous vous pouvez, grâce à ce remarquable Institut de l’Audiovisuel, visionner tranquillement des films, des reportages, des documents, des pièces de théâtre datant jusqu’à près de 60 ans. Par exemple vous pouvez voir un Maigret joué par Jean Richard, ou Les 5 dernières minutes ou encore La puce à l’oreille, un Feydeau joué par une Comédie Française hypervitaminée. Bref un régal pour les amateurs d’une télé désormais défunte.

Et bien hier soir j’ai voulu me faire un petit plaisir et regarder une émission culte des années 80 : Droit de réponse de Michel Polac. S’y engueulaient des scientifiques purs et durs au sujet de la parapsychologie et de ceux qui font tordre le métal, puis ont discuté des invités au sujet du film de Marco Ferreri, Conte de la folie ordinaire, d’après Bukowsky, en présence de l’auteur et accompagné de Ben Gazzara et de Ugo Tognazzi ainsi que d’une fournée de jeunes collégiens qu’on avait emmenés voir le film et qui le commentaient passionnément ; déjà ces jeunes ont bien la cinquantaine aujourd’hui et de plus, voir cet immense acteur qu’est Tognazzi faire des blagues dans un excellent français et des images fugaces d’une des plus belles femmes du cinéma, Ornella Mutti m’a plombé le moral. Pourquoi ?

Simplement parce que le fait de vieillir abouti au fait cruel d’avoir de moins en moins d’amis et de proches avec qui partager le souvenir de cette stupenda période que nous a donnée le cinéma italien. Juste quelques noms évocateurs : Ugo Tognazzi, Nino Manfredi, Vittorio Gassman, Alberto Sordi, et l’immense Marcello Mastroianni (j’ai pleuré le jour de sa mort, comme pour celle de Fellini), sans oublier Giuletta Massina, Sofia Loren, Monica Vitti, Claudia Cardinale et tellement d’autres actrices !

Quelle gratitude je porte envers toutes ces femmes et ces hommes pour le bonheur qu’ils m’ont donné et sans oublier tous ces réalisateurs.
Mes amis, rassurez-moi, dites-moi que vous avez vu Le voleur de bicyclette, Amarcord, Affreux sales et méchants, Cristo si è fermato a Eboli, *Nous nous sommes tant aimés, Huit et demi, Divorce à l’Italienne, Parfum de femme, Le guépard...

Je ne fais pas l’impasse sur le cinéma russe, ni sur John Ford ni sur mon étoile, Angelopoulos, mais dire que tous ces gens qui ont fait ces chefs-d’œuvre sont morts et que ceux qui les ont admirés vont les suivre, emportant leur mémoire dans les limbes de l’histoire me fout un sacré coup de blues!

Pourquoi n’enseigne-t-on pas Fellini, Visconti, De Sica aux collégiens, aux lycéens ? Dire qu’il a fallu une fondation pour sauver les films de Tati ! On doit pouvoir restaurer, conserver tous ces chefs-d’œuvre du 7ème art. La grotte Chauvet a survécu 36000 ans, on devrait pouvoir encapsuler pour nos descendants l’œuvre de tant de créateurs, je serais moins triste de partir.