Je devais avoir autour de 25 ans. J'étais au volant de ma voiture, arrêtée à un feu rouge près de chez moi, je rentrais tardivement du travail (je n'étais pas en train de courir en mini-jupe dans un parc!). Il faisait nuit et c'était un de ces soirs où les étudiants sortent festoyer. Une voiture s'arrête à coté de moi et je vois au volant un homme me sourire avec une insistance inopportune. Il descend la fenêtre de mon côté mais heureusement le feu passe au vert et je crois m'en échapper. En fait je m'aperçois bien vite qu'il me suit. J'engage un jeu de cache-cache dans les ruelles escarpées de mon quartier et finis par me garer. Au moment où j'arrive devant le porche de mon appartement, il est là devant moi dans sa voiture dont il a ouvert la portière. Je peux alors voir sa main s'agiter sur son manche avec frénésie et sur son visage un sourire pervers et un regard fou. Malgré la panique accrue, je parviens à ouvrir la lourde porte cochère et cours me réfugier chez moi où mon compagnon m'attend. Je lui raconte la scène, mais il ne bouge pas d'un pouce. Je me décide alors à appeler le commissariat au plus vite car la rue grouillait de pubs où des filles plus jeunes encore auraient pu subir aussi cette scène immonde, voire pire encore. Le policier qui répond ne comprend pas le sens de mon appel car je n'ai pas subi d'agression physique et je n'ai pas pris la peine de relever le numéro de la plaque minéralogique, je lui explique alors que pour ce faire il aurait fallu que je m'approche de la voiture et en fasse le tour, mais il est impossible pour lui d'y voir du danger! Au bout de cinq minutes d'une discussion stérile à ce sujet il semble convenir quand même que cet homme doit être recherché, et me promet d'envoyer un véhicule de police dans mon quartier (j'ai donné des indications sur le modèle et la couleur).
Quand j'ai raccroché je me suis aperçue qu'il ne m'avait pas demandé mon adresse.
Ce policier considérait-il qu'un"petit plaisir" devant une jeune femme majeure ne peut pas faire de mal et ne constitue pas un délit? Que cet homme ne serait pas allé plus loin? Qu'il aurait fallu qu'il aille plus loin pour que la police doive ou puisse agir? Pourquoi attend-on le crime sexuel? La violence sexuelle fait-elle si peur aux hommes? Sont-ils si peu fiers eux aussi pour ne pas la considérer?
Depuis mon enfance je me pose cette question.
Lorsque mon père me touchait les fesses et que toute la famille en faisait autant; et si je me mettais en colère contre mon oncle un jour pour cette raison-là, ma mère me sifflait de me taire, que je n'allais pas faire scandale pour "ça" un dimanche en famille, et que d'autres y étaient passées avant moi...
Lorsque mon frère me demandait de le caresser entre les jambes...
Lorsque presque tous les matins, Laurent C., jeune garçon de mon village, attendait à l'entrée du bus à côté du chauffeur mutique, la montée des passagères afin de leur mettre la main aux fesses dans un silence général. Et ce pendant toutes mes années de collège et de lycée...
On ne pourra parler d'égalité homme/femme ou femme/homme que lorsqu'on sera capable de voir ces réalités sociales et familiales dès la naissance de la petite fille et du petit garçon et ce pendant toute son éducation. La puissance virile de l'homme doit être remise à sa place, et ceci très précocement dans la relation avec sa mère. La sexualité de la petite fille doit être ultra-protégée, son corps n'est pas un objet de fantasme pour le père ou le frère, fantasmes verbaux ou actés. Oui, il faut tous nous éduquer avant tout, et la tâche est immense. Commençons par témoigner.
Céline.