La parole de l’enfant, quel que soit son âge, est, parfois, écoutée mais beaucoup plus rarement entendue. Et lorsque cela concerne l’intimité ou la souffrance de l’enfant, cela tourne parfois au désastre - cf. mon article sur le vrai scandale d’Outreau
http://www.quandjetaispetite.com/2017/12/outreau-le-terrible-scandale-oublie.html
Il m’est souvent arrivé, comme psychothérapeute d’enfant, d’avoir à interpréter la parole de leur enfant à des adultes pour lesquels elle était énigmatique. Il n’existe pas d’ « école de parents ».
Par contre, beaucoup d’adultes, drapés dans la suffisance et la toute-puissance de leur position de sujet sachant et de leur rôle d’autorité sur l’enfant que leur attribue l’institution, commettent parfois des erreurs graves et préjudiciables.
J’ai à suivre une maman dont la fillette de huit ans est présumée avoir subi une atteinte sexuelle de la part de son ancien compagnon et père de l’enfant. Le sentiment dominant de cette femme est un sentiment de solitude et d’incompréhension ; vous trouverez ci-dessous son compte rendu simplifié de trois expériences vécues par sa fillette au contact de ces « sujets sachant ». Je reproduis ces textes qu’elle m’adresse et qui sont édifiants ; il vous suffit de savoir qu’une enquête pénale est en cours et que le juge aux affaires familiales a accordé des visites médiatisées entre le père et sa fille, ce qui en dit long sur le risque potentiel que représente cet homme pour son enfant. Le plus sidérant, pour moi, vient d’une soignante (une infirmière) qui se croit autorisée à lui donner des conseils aberrants.
Je vous demande de lire ces phrases avec empathie, d’abord pour la petite fille mais aussi pour cette femme qui doit aider sa fillette à se reconstruire tout en se battant, au besoin contre l’institution !
Elle a voulu parler de ce qui s'est passé à sa psychologue du CMP qui a concrètement refusé de l'écouter sous prétexte que l'affaire était déjà en cours et qu'il fallait laisser faire le travail de la justice sauf qu'elle a aussi dit à ma fille qu'elle devait parler à son père de ce qu'il s'était passé pour trouver avec lui des solutions [sic]. Le père étant considéré comme un manipulateur pervers et narcissique.
Elle avait la peur au ventre de voir son père et a demandé de parler à une éducatrice du lieu neutre de parler avec elle pour expliquer ce que son père lui avait fait sauf qu'ils n'ont pas voulu le faire sous prétexte que la justice devait prendre cette décision si nécessaire.
La maîtresse de ma fille a demandé à ce qu'elle voit une infirmière de l'école pour parler de ce qui la tracasse. le problème c'est qu'elle lui inculque que son père l'aime et qu'il est seulement malade. Il faudrait trouver des solutions pour arranger les choses directement avec son père. [les infirmières aussi n'ont que très peu de formation psy]
Les rapports de la parole de l’enfant et de la justice ne sont pas choses simples. En particulier, les juges n’ont aucune formation concernant la psychologie de l’enfant ; c’est pourquoi fréquemment ils délèguent leur travail de juge à des experts. Les droits de l’enfant, depuis la Convention des droits de l’enfant, ont fait quelques progrès, même si le droit français a marqué quelques réticences.
Les querelles de couple voient malheureusement très souvent l’instrumentalisation de l’enfant qui est alors utilisé comme une arme. L’enfant, pris dans un conflit de loyauté, peut lui-même être amené à manipuler l’un ou l’autre de ses parents. Il faut donc une écoute particulièrement fine et attentive de la part de l’adulte qui reçoit cette parole pour entendre ce qui est dit et ce qui n’est pas dit. Le mythe de l’enfant fabulateur est encore terriblement vivace ! Mais si du surcroît, des adultes, supposés qualifiés, s’autorisent à donner de tels conseils, que dire !…