Une avocate du barreau de Villefranche me racontait qu’elle avait dû retourner au commissariat accompagner une cliente pour que le policier de service accepte de recevoir sa plainte pour agression subie du concubin. Le discours du flic étant : « voilà, je vous ai enregistrée dans la main courante et vous allez bien gentiment rentrer chez vous, ça va se tasser, tout va rentrer dans l’ordre, votre mari c’était qu’un coup de colère mais il s’est calmé maintenant », alors que la femme avait de belles ecchymoses et un certificat médical !
Il est très courant qu’une femme abusée, violentée durant son enfance, se mette inconsciemment dans des situations à risques. Pour de multiples raisons ; la principale étant qu’elles ont le sentiment de ne rien valoir, de n’être « qu’une merde » et spécialement elles n’ont aucun respect pour leur propre corps. Mais également, la violence – ou physique ou sexuelle - subie des parents a inscrit dans leur esprit que l’amour est forcément lié à la violence. Donc les coups et les viols conjugaux font partie de leur mode de fonctionnement. « Il me tape mais je sais bien qu’il m’aime » : tel est le discours qu’on entend tellement souvent !
D’où le scandale de n’être pas reçue, écoutée, entendue lorsqu’elles tentent de déposer une plainte. C’est bien une double peine qu’elles subissent alors !
J’ai souvent observé la véritable comédie humaine qui se déroule à l’audience des flagrants délits d’un tribunal correctionnel. Et il est malheureusement fréquent qu’à la suite d’une plainte déposée par la femme, au procès, celle-ci se rétracte et y renonce. Il est très difficile d’analyser, à vue, comme ça, ce qui motive la compagne à pardonner et repartir parfois bras dessus bras dessous avec le conjoint maltraitant, au grand dam du procureur. Il y a un bien paradoxal besoin d’amour « il me frappe quand il a bu mais à jeun il est tellement gentil », accompagné d’une peur légitime de la solitude avec des enfants à charge. Mais peut-être également la peur des menaces du conjoint « tu vas voir ce que tu vas recevoir si tu ne retires pas ta plainte » et qui sont souvent des menaces de mort.
Elles n’ont pas tort d’avoir peur : « Un total de 174 personnes, dont 148 femmes, sont décédées en 2012, victimes de violences conjugales", a révélé un rapport du ministère de l'Intérieur le 8 juin 2013. Pour Muriel Salmona, psychiatre spécialiste de psychotraumatologie, les mesures annoncées pour lutter contre ces violences ne sont pas suffisantes : elles n'enrayent pas la loi du silence et du déni. *