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J’ai envie de partager avec vous ce sentiment récurrent que certaines de vous éprouvent peut-être : l’impression de ne plus être en adéquation avec ce monde actuel. Je ne veux pas parler de l’hyper-technologie à laquelle nous sommes obligés de nous adapter -numérique, informatique, mondialisation, communication instantanée tous azimuts, présence envahissante de l’image.

Comme chacune de vous j’ai dû m’y plier, souvent avec plaisir, parfois par nécessité : que de bons moments avec mes fils au Futuroscope mais aussi obligation à basculer de la photo argentique à la photo numérique -j’étais devenu un expert de Photoshop alors même que j’avais dû passer du noir&blanc à la couleur dans les années 70.

Ma réflexion est toute autre ; elle porte sur le basculement qui s’est produit en 1960 ; c’est la date qui est avancée pour marquer la fin de l’ère agricole en France. A cette date, la population agricole a commencé à descendre en-dessous des 50 %. Une anecdote sera plus expressive : en 1955, en vacance à la campagne chez des cousins – ma grand-mère maternelle était dauphinoise ; elle avait été "gagée" à 9 ans- j’avais été chercher des sacs de blé avec mon cousin à 10 km dans sa voiture attelée. Ça n’était pas pour la frime : il n’avait ni tracteur ni voiture. Vous rendez-vous compte de l’évolution ! Cet autre monde a disparu ; sauf à le retrouver comme je l’ai vécu en 2010 dans le Maramures, au nord de la Roumanie, où circulent sur les nationales des voitures attelées aux chevaux ou aux bœufs et où vous voyez  "monter"  des meules de foin à la fourche.

Mais le domaine encore plus touché que la technologie -agricole ou industrielle- est celui de la culture. Et dans le cadre des cultures, nombre d’entre elles vivent ou survivent sans difficulté - l’écriture, les arts plastiques- tandis que certaines formes ont pratiquement disparu, ou, en tous cas, ne survivent que grâce à des conservatoires, des institutions où du travail de chartreux de courageux ethnomusicologues. L’une des plus célèbres, aujourd’hui décédée, Dora Stratou, nous permet encore aujourd’hui, d’assister, dans la colline du Filopapou, près de l’Acropole, à de merveilleux spectacles de chants et danses grecs dont certains remontent à l’antiquité. C’est une chance ! Mais ce n’est qu’un spectacle ! Et je veux vous parler d’une autre forme culturelle.

Tout en écrivant, j’écoute la copie d’un enregistrement que j’ai fait dans les années 80 sur mon magnétophone à bande (!), transcrit depuis sur CD. Il s’agit d’une émission de France-Musique, appelée « Musiques de l’errance » ; ce sont des captations de musiciens nomades. C’est là où je veux vous entrainer ; je réécoute avec bonheur des chants de Tsiganes de Turquie, puis d’un chanteur grec s’accompagnant à la lyra pontique, suivi de nomades Bauls -indiens- et de chants Yiddishs, finissant par des chants de quête pascale auvergnate. Ce qui me semble tragique c’est que cette tradition de chanteurs-conteurs errants, de village en village, dont l’ancêtre s’appelait ...Homère! est en train de disparaitre. La fonction même, si capitale, de transmission de contes, de légendes, d’un savoir ancien n’existera plus. Cette transmission orale n’a plus de place dans cette société. Les sites de musique, les smartphones n’ont rien de comparable.

Le pire est sans doute la disparition de l’errance elle-même. A moins que …les Roms refusent l’enfermement et que d’autres sentent la nécessité de …reprendre la route ; comme ce personnage étonnant de Frances McDormand dans ce beau film « Nomadland.

En attendant, ça devient très dur d’être en phase avec ce monde déshumanisé.

Pas vous ? Besoin de le dire.

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