Pourquoi ce titre volontairement choquant ?
Je constate non sans effroi que, dans la production cinématographique actuelle, l’industrie du cinéma cherche à produire des scenarii des plus choquants possibles. Là où la surenchère de meurtres, assassinats et autres tueries de masse avec profusion d’hémoglobine inondaient les écrans, il semble qu’à ce jour cela ne suffise plus pour fournir au spectateur blasé la dose de sensations fortes et d’adrénaline et qu’on s’en aille vers une surenchère.
Et pour répondre à cette demande du public (vraiment ?) les scénaristes hollywoodiens -mais bien imités par les scandinaves, sans oublier les Coréens- ont trouvé que l’on pouvait injecter sans limites de l’horreur en mettant en images des meurtres, très souvent accompagnés de tortures, d’enfants. En y ajoutant, ça va avec, de la violence sexuelle et surtout des doses massives d’inceste. Tout se passe comme si des verrous, des freins naturels avaient sauté. « C’est du cinéma », c’est virtuel, donc tout est permis. Dans la violence, dans le sexe, comme dans les drogues, on doit toujours augmenter les doses.
Je ne vais pas vous faire un inventaire mais regardez du côté des séries, toujours très bien faites et très populaires. Exemples ? Game of Thrones, Les enquêtes du département V. Je ne suis pas connaisseur mais j’ai vu quelques échantillons. Parfois, certains cinéastes jouent la carte de la dénonciation pour montrer jusqu’à quel point d’horreur peut aller la nature humaine ; je pense à Atom Egoyan, excellent réalisateur, qui nous ouvre de bien étranges perspectives sur l’infanticide dans le remarquable De beaux lendemains et surtout Les 3 crimes de West Memphis. Mais même sous de bonnes intentions, sous le prétexte de dénoncer, nous sommes soumis à l’horreur et à la cruauté. Il y a donc une hypocrisie.
Encore une fois, il ne s’agit pas de productions au rabais, tournées à la va-vite, mais de réalisations tout à fait soignées, tant au niveau scénarii qu’au niveau réalisation. Je pense à la captivante série True detective (je m’y suis laissé prendre !) Ou encore à cet extraordinaire film coréen,The Strangers.
Qu’en penser ?
L’infanticide a toujours existé. Dans le réel, l’imaginaire ou le symbolique. Pour preuves, Abraham (Ibrahim) devant tuer son fils Isaac. Rhéa devant protéger son fils Zeus de son époux, Cronos, qui passait son temps à bouffer leurs enfants. Les sacrifices d’enfants étaient courants dans de nombreuses cultures –Moloch ou Baal chez les Sémites- ou encore les meurtres d’enfants malformés à Sparte, jetés d’une falaise.
La légende très particulière du Petit joueur de flûte de Hammelin, qui a une source bien réelle dans les très curieuses coutumes médiévales de groupes ou de croisades d’enfants, évoquées dans le film cité plus haut d’Egoyan, De beaux lendemains, nous raconte que, par vengeance, le Joueur de flûte, après les rats, entraine et fait disparaitre tous les enfants du village.
Autre mythe fondateur : Œdipe, qui tue son père et épouse sa mère ; MAIS -et c’est le paradoxe de l’histoire- Freud, collé au récit de Sophocle, ne veut pas voir que c’est Œdipe, lui, le premier, qui est l’objet d’une tentative d’assassinat de ses parents, Laïos et Jocaste.[1]
Les contes, de toutes époques et de toutes cultures, mettent en scène des meurtres d’enfants. Le Petit Poucet n’est qu’un exemple parmi cent.
Qu’est-ce que notre société veut exorciser en s’engageant dans cette voie d’une surenchère de violence infanticide ? Je vous laisse y réfléchir. J’évoque juste une piste : torturer, tuer nos enfants, n’est-ce pas, symboliquement, barrer notre avenir ? Or que se passe-t-il dans le domaine de la vie sur terre ? Réchauffement, rétrécissement de la biodiversité, pollution des terres et des océans, etc.
N’y voyez-vous pas une démarche suicidaire ?
Que faire ? Comment réagir ? Personnellement j’adopte ma seule défense possible : le boycott.
[1] Cf. mon livre : Des enfants ? Pour quoi faire !