Bonjour,
guidée par mes questionnements incessants, je me suis baladée sur diverses pages et suis tombée sur votre blog.
La section « A quoi sert ce blog ? » m'a interpellée.
Chaque fois où j'ai essayé d'en parler, je me suis retrouvé face à l'impossibilité (compréhensible) de l'interlocuteur à pourvoir m'aider ou me comprendre.
J'ai occulté une « longue période » de mon enfance, de mes 7 à 10ans il me semble. J'ai très tôt cherché à percer ce mystère. Dès mes 14/15ans, je me rongeais le cerveau à essayer de me rappeler ce que j'avais oublié.
Et je n'ai jamais trouvé de réponse, j'ai songé à la possibilité d'un viol ou d'un traumatisme violent. Car j'étais très angoissée/différente/bizarre et je ne savais et je ne sais toujours pas pourquoi. De plus, lors d'une soirée alcool et fumette vers 16ans, j'ai fait un malaise très court, durant lequel j'ai eu une sorte « d'hallucination » cauchemardesque: j'étais une enfant, effrayée, nue dans une baignoire et face à pleins de pénis. Cette expérience m'a poussée à envisager qu'un abus sexuel avait pu être commis.
Dans le doute, je me suis même mise à me méfier de tout le monde. Qui aurait pu me violer ? L'ancien mec à ma mère ? Mon père? Mon frère ? Ma mère ?!
Avoir ce genre de questionnement est abominable, ça crée une culpabilité intense. On s'en veut d'oser songer à de telles choses.
Fin lycée, j'ai même mené mon enquête en questionnant mon frère, ma mère, la fille de son ancien compagnon. Bien sûr, je ne leur demandais pas si j'avais été violée. Je leur demandais juste des précisions sur cette période, si des choses pas top s'étaient passé. J'analysais leurs réactions. Et j'en avais conclu qu'ils se doutent ou savent quelque chose.
Mon « ancienne demi-sœur » avait accusé mon frère d'être venu la tripoter dans la chambre ou nous dormions elle et moi. Mais comme elle mentait souvent, personne n'avait pris l'affaire au sérieux.
Mon frère, lorsque je lui ai demandé comment était le mec à ma mère, m'a répondu « tu ne te souviens vraiment pas ?! » avec pour seule précision « il nous traitait comme de la merde ».
Ça, je m'en souviens un peu, je ne l'aimais pas, mais je n'ai pas de concrets souvenirs autres que son côté pathétique quand il était saoul. J'ai aussi appris qu'il (son ancien compagnon) a prévenu ma mère une fois en lui disant « je jouais avec elle et je lui ai touché le « vagin » (je ne sais quel mot il a employé pour le définir) sans faire exprès ».
Elle m'a dit qu'elle m'avait alors questionnée et que j'avais dit qu'il ne s'était rien passé, que j'étais étonnée de cette question.
Depuis, j'ai une espèce de souvenir en tête, mais je ne sais pas s'il s'est créé lorsque ma mère m'a rappelé cela ou si c'est un "réel" souvenir. Et dans le souvenir je suis juste dans la chambre de ma mère avec lui, qui me chatouille ou un truc du genre et qui stoppe à cet endroit (le geste ainsi que le souvenir). Mais sans réel abus par la suite, donc.
Autre bizarrerie : j'ai un souvenir précis d'un jour ou je me répétais en boucle dans ma tête (fin primaire) « tu ne t'es pas faite violer, tu ne t'es pas faite violer, tu ne t'es pas faite violer...»
Mais petite, il m'est arrivé de dire de gros mensonges à l'école, alors je ne sais pas si je me disais ça parce que je savais que ce serait un mensonge trop grave ou pour une autre raison.
C'est fou, en repensant à tout ça 10 ans plus tard, je me demande pourquoi j'ai arrêté mon enquête à ce stade. En me lisant j'ai l'impression que ça paraît évident. Mais je ne peux accuser quelqu'un d'un tel acte avec autant de doutes. J'ai peut-être été juste traumatisée par son comportement envers toute la famille, ou simplement par le fait que ma famille m'ait vite « rejetée »/ « mise de côté »/donné le sentiment que je n'avais pas le droit d'exister. Trop d'hypothèses sont possibles, je ne peux rien affirmer.
Et ce doute, qui a grandi avec moi, me pourrit la vie. Je n'ai aucune estime pour moi même, sommes-nous vraiment quelqu'un, lorsque la mémoire est si faillible ? J'ai tenté de vivre en laissant cela de côté.
Mais le déni ne marche qu'un temps et ne permet pas de se construire sur des bases solides.
Je me suis même faite clairement violée il y a quelques années, par quelqu'un que j'aimais beaucoup. Je ne me suis rendue compte que c'était un viol que très récemment, tellement mon existence m'est étrangère. Je ne sais même pas dire si cette exour moi un modèlepérience m'a profondément blessée, j'imagine que oui. Mais je ne suis pas sûre, je suis très émotive pourtant. Quel bordel dans ma tête.
Manquer de souvenirs pendant une si longue période, douter de tous autant que de soi, c'est comme avoir une fausse identité. J'ai bien peur de ne jamais pouvoir dépasser ça.
Désolée si ce message n'est pas bienvenu, trop long ou hors-sujet. Je ne sais pas vraiment dans quel but je vous l'envoie. Je crois que je suis à bout. Pardon pour l'égoïsme/égocentrisme que cet état entraîne.
C-J.
Ce texte, reçu anonymement, est pour moi un modèle. Il représente ce que tellement de femmes vivent et qui peut se résumer ainsi : "je ne vais pas bien, depuis toujours; j'ai consulté de nombreux psys qui semblent ne pas m'entendre, d'ailleurs personne ne m'entend. Et j'ai le sentiment persistant mais flou "qu'il s'est passé quelque chose"... G.N.