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un témoignage...

On m'a communiqué ce texte qui trouve tout à fait sa place dans ce blog. Il est vraiment intéressant par son absolue sincérité et surtout par les questions qu'il soulève...

Je voudrais vous présenter Madame Culpabilité. Vous ne la connaissez pas, elle erre dans les méandres de votre cœur. Elle ne vous lâche pas. Pourquoi j’ai fait ceci, qu’est ce qui m’a pris ce jour-là… Aucune réponse ne vous satisfera, Elle sera toujours là pour vous empêcher de trouver la paix. Puisqu’un exemple vaut mille mots, je vais vous conter une de mes nombreuses rencontres avec cette dame perfide.
J’étais encore une enfant, j’avais neuf ans pour être exacte. A cet âge les interventions de Madame Culpabilité sont plus terribles encore, elle profite de votre faiblesse, de votre naïveté.
Nous étions donc le 3 janvier 1996, je me promenais autour des bâtiments de ferme à G. Je cherchais mes parents, je me sentais seule, j’avais besoin d’eux. Je me suis arrêtée dans un endroit où je n’avais pas l’habitude de me promener, derrière l’ancienne cave. Une barre de fer avait attiré mon attention. Je commençais à jouer avec, comme joue les enfants, ignorant le reste du monde, ignorant la quête qui m’avait menée là. Je faisais pivoter la barre de bas en haut.
« Mais pourquoi t’es-tu arrêtée pour jouer, pourquoi n’as-tu pas continué ta route ? ».
Peu de temps après un homme arriva. Je ne connaissais pas cet individu, mais plusieurs personnes logeaient sur la propriété, sa présence ne m’a donc pas surprise. Il avait sans doute une quarantaine d’année, il était trapu et entretenait une certaine bedaine mais surtout il avait une moustache formidable. Sa première phrase fut la suivante : « Tu vas te faire mal en jouant avec cette barre ». Il avait sans doute dû entendre le bruit de mes expériences sur la gravité des piquets de vignes, le bruit l’avait fait sortir de sa tanière. Je ressenti d’emblée un profond mépris pour ce quidam inconnu au bataillon qui venait me faire la morale. Il ne savait pas que j’étais une aventurière qui maîtrisait à fond l’art de la barre de fer ! Il dû sans doute poursuivre sa conversation avec moi mais j’avoue n’en avoir aucun souvenir…
« Qu’est ce qui t’as pris de l’écouter ! »
Puis vint la question fatale : « Tu veux connaître un secret ? ». Il avait trouvé la phrase magique. Moi, l’aventurière, le garçon manqué à qui rien ne faisait peur, l’enfant assoiffée de tout savoir. Un secret ? Que n’aurais-je donné pour apprendre les mystères du monde des adultes… Bref je me suis rapprochée…
« Trahie par la curiosité, bravo ! Tu sais pourtant que la curiosité est un vilain défaut. »
Il a posé sa main sur mon épaule, ce contact m’a un peu dégoutée mais je voulais savoir. J’ai entendu : « Tu sais ce que c’est qu’une mallette ? ». J’avoue avoir été un peu déçue. Pour qui me prenait-il ? Il a été un peu surpris quand je lui ai dit oui. « Une mallette c’est une petite valise ». Si tu croyais me piéger c’est raté. Même dans des moments d’une grande gravité on peut se retrouver face à un quiproquo… Il reprit : « Pas une mallette, une branlette… ». Alors là, il m’avait eue. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être. Il faudrait que je pense à étoffer mon vocabulaire… Il me proposa de me montrer. J’acceptais.
« Pourquoi ? »
Devant le portail de la cour de la chapelle, il m’a fait signe de me baisser et de me cacher, personne d’autre ne devait savoir… Puis, il s’est enfoncé dans les taillis, je l’ai suivi. Les caches dans les buissons étaient mon domaine, je les connaissais mieux que personne. Quand je l’ai rejoint, il avait le pantalon baissé. Son sexe dardait, impressionnant.
« Pourquoi, ne t’es-tu pas enfuie ? »
Il m’a demandé de faire de même… Je l’ai fait…
« Pourquoi ? »
Là, les souvenirs se brouillent, peut-être ai-je choisi d’oublier… Je me souviens qu’il m’a fait le toucher derrière les testicules. Je n’oublierais jamais la sensation de cette peau molle et poilue. Elle me hante souvent, le souvenir est précis inscrit en moi, prêt à ressurgir aux moments où je m’y attends le moins. J’ai obéi, je l’ai caressé. Il m’a touché aussi. Mais de cela je n’ai pas d’image, je ne garde que la sensation du plaisir physique ressenti. Premier plaisir sexuel. Je garde aussi la sensation de son sexe dans ma main mais pas d’image. Cela a duré, longtemps, du moins c’est l’impression que j’en conserve. Je voulais partir, je sentais que ce secret n’était pas de mon âge.
« Mais tu n’as rien fait, tu es restée… »
Mais je n’ai rien fait, je suis restée. Puis il s’est enhardi, sans doute galvanisé par le plaisir. Et il m’a embrassé le sexe à pleine bouche. C’était humide, c’était chaud, cela procurait du plaisir. Mais le dégoût a été plus fort… C’en était trop. Je me suis mise à pleurer… Je ne sais ce qui lui est passé par la tête, culpabilité, gêne, ennui… Toujours est-il qu’il m’a laissée partir. Avant de me relâcher, il m’a bien recommandé de ne rien dire à personne. Je me sentais souillée, je n’avais aucune envie d’en parler. Il m’a même trouvé une excuse : « Tu diras que tu t’es faits piquer par une guêpe ». L’imbécile n’était même pas capable d’inventer une excuse correcte. Comment faire croire que je me suis fait piquer si je n’ai pas le moindre bouton. Je suis partie, vite, très vite avant qu’il change d’avis. J’ai remonté mon pantalon et je me suis enfuie. Je suis allée me réfugier dans ma chambre. J’étais tétanisée, sous le choc.
« Qu’est-ce que tu as fait ? Qu’est-ce que tu as encore fait ? »
J’étais atterrée par ce que j’avais osé faire. Allongée sur le lit, je pleurais de souffrance. Peu de temps après, ma mère vint frapper à ma porte. J’ai essayé, j’ai vraiment essayé, de faire bonne figure, de lui faire croire à une chose insignifiante. Mais cela n’a pas marché. Le cœur d’une mère sent tout de suite la profondeur de la blessure de son enfant. Elle savait qu’il y avait autre chose. Je lui ai alors raconté ce qui s’était passé, ma rencontre, le secret, les buissons. Mais je n’ai pas dit ce qui s’était passé dans les buissons. J’avais conscience, je savais que c’était trop violent, que cela je devrais le porter seule. Elle a compris. Entre les lignes… Elle était bouleversée.
« Regarde dans quel état tu as mis ta mère. »
Elle est allée chercher papa et elle m’a tout de suite pris en charge. Elle m’a fait prendre un bain. Je ne me sentais pas forcément sale, mais cela me faisait tellement de bien que l’on s’occupe de moi. De ne pas être seule à porter ce fardeau. Je la revois assise sur le tabouret, en train de me regarder d’un œil inquiet. Papa est entré, il m’a demandé de décrire l’homme qui avait profité de moi. « C’est Benoît ». C’est ainsi que j’ai appris le nom de mon agresseur. Maman m’a dit que Papa voulait casser la gueule à Benoît mais que Bon Papa l’en avait empêché. Quel soulagement de voir que les grands s’occupaient de cette affaire. Dans les couloirs nous avons croisé ma sœur. Elle demandé : « Qu’est ce qui arrive ? ». Maman lui a répondu : « On vous dit toujours de faire attention, elle n’a pas fait attention, elle s’est fait avoir. »
« Tu as vu, même ta mère le dit, tu aurais dû faire attention. »
Puis nous sommes repartis. C’était la fin des vacances. J’emportais un souvenir lourd mais qui devait rester dans mon cœur. Faire comme si de rien n’était, continuer à vivre. Quand nous sommes revenus pour les vacances de février j’avais peur, j’évitais d’aller derrière l’ancienne cave. Petit à petit, j’ai repris confiance, je n’ai pas oublié mais j’ai enterré. J’ai rajouté des couches autour. Il valait mieux laisser de côté cette grosse bêtise et passer à autre chose. Une aventurière ne se laisse pas envahir par la peur.
« C’est fini, arrête d’y penser. »

Anne-Lise.

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