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Fuites réparées ?

Dans un wagon de seconde classe, le nez collé à la fenêtre, je joue avec le reflet de nous. Dehors, il fait nuit noire, nous ne pouvons rien voir d'autre que nos ombres sur la vitre. Nous partons et je ne connais pas notre destination. Frère, où on va ? En colonie, pour plus faire pipi au lit. Après, on sera des grands.

Je veux pas être grande, je veux papa et maman. Et la chaleur humide de mon lit. Et les bagarres avec cet autre frère, plus petit, resté chez nous.

Je ne me souviens pas de l’arrivée, qui est venu nous chercher à la gare ni comment nous sommes entrés dans ce centre. C'était il y a plus de 40 ans. Il m’en reste pourtant quelques images floues: une salle de classe, un réfectoire, une balançoire, un dortoir immense.

Et cet interminable désespoir.

Là-bas, rien n’était comme chez nous. Des enfants partout, quelques adultes. Pas de baisers, de tendresse, pas le temps. Des électrodes accrochés à la peau pour dormir, le tintement sonore déclenché par nos fuites nocturnes. Les nuits rythmées par cet avertissement collectif. Là-bas, impossible de se ménager un coin à soi, secret. Tous mes trésors, je les cachais dans un coffret que m’avait donné mon père : sucettes, chewing-gum, quelques pièces, une lettre de ma mère conservée précieusement.

J’avais six ans et cette question. Permanente : maman, quand reviendras-tu me chercher ?


Rose O.

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